L’impression 3D de bâtiments est possible depuis une dizaine d’années. Exemple avec la solution développée par l’entreprise Constructions-3D, avec le soutien de l’ADEME. En plus de réduire la durée et le coût des chantiers, elle limite les déchets et pollutions.
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Moins de gaspillage et de déchets de chantier
Constructions-3D n’est pas seule sur le marché. Cela fait une dizaine d’années que l’impression 3D, aussi appelée fabrication additive, est sortie des fablabs (laboratoires d’innovation et de fabrication) pour investir le secteur du BTP. Toutes les solutions proposées fonctionnent sur le même principe : un bec mobile dépose des couches de béton les unes sur les autres, suivant un plan architectural prédéfini dans un logiciel 3D. Cette automatisation permet de construire plus vite des projets aux formes et textures personnalisées. Ainsi, il n’a fallu que 150 heures, soit 20 jours ouvrés, pour élever la Tour aux courbes arrondies de Bruay-sur-l’Escaut. Et ce sans gaspillage de matériau, puisque les machines n’utilisent que la juste quantité de mortier. L’impression 3D permet aussi de s’affranchir des déchets liés aux chantiers en béton (banches de coffrage qui permettent de couler le béton, nacelles de coffrages, etc.), et d’intégrer directement les châssis et seconds œuvres (électricité, menuiserie, isolation) dans les murs en cours de fabrication.
MaxiPrinter, le robot imprimante de Constructions-3D va plus loin, car il est mobile. Contrairement à ses concurrents, sa tête imprimeuse ne se déplace pas sur des rails portés par des portiques fixés au sol. Elle se trouve au bout d’un bras articulé posé sur un châssis. Replié sur lui-même, l’ensemble est très compact : moins de 2 m de hauteur et 0,90 m de largeur. Il se transporte facilement, se déploie sur site en moins d’une heure et peut ressortir du bâtiment par la porte. Déplié, il a un rayon d’impression de près de 14 m de diamètre et, grâce à ses chenilles, il peut se déplacer pour élargir ce champ. Il suffit de le poser sur chaque nouvel étage à l’aide d’une grue, pour qu’il continue d’élever les murs d’un immeuble. Il n’y a plus de limite de hauteur ni même de contrainte liée à la nature du terrain.
Deux records du monde
14 mètres de haut et 3 étages. À première vue, rien d’inhabituel pour un immeuble. Pourtant, la Tour inaugurée début 2024 au cœur de la Citadelle des Savoirs, siège de la société Constructions-3D à Bruay-sur-l’Escaut, dans le Nord, détient un record : celui du plus haut bâtiment construit en impression 3D dans le monde. Par cet exploit, l’entreprise souhaitait montrer tout le potentiel de son robot imprimante. C’était aussi l’objectif de l’inscription au Guinness des Records de la plus grande villa imprimée en 3D, réalisée fin 2023 à Dubaï.
Béton bas carbone
L’ADEME accompagne l’entreprise depuis 2015. Après avoir soutenu le développement de son imprimante, elle l’a aidée financièrement à définir des méthodes de construction 3D plus écologiques. Toutes les étapes d’un chantier ont été passées en revue, y compris la composition du béton. Une « encre » bas carbone a été mise au point : un béton très fluide, pour un pompage et une injection rapide, mais qui durcit quasi instantanément après dépôt, pour un résultat précis. Surtout, ce mortier, appelé « Termix-3D », est fabriqué à quelques kilomètres seulement de Bruay-sur-l’Escaut, à partir d’ingrédients biosourcés et locaux. Une collaboration étroite entre l’ADEME et la région Hauts-de-France a permis d’identifier les meilleurs matériaux biosourcés. Le ciment qui constitue son liant est en partie substitué par du laitier de hauts fourneaux, un co-produit de l’industrie métallurgique locale, et par de l’argile ou du sable régional.
Isolation biosourcée, locale et efficace
Constructions-3D a aussi noué un partenariat avec La Linière, une coopérative agricole locale, afin d’utiliser les anas de lin, un co-produit de la culture du lin, comme isolant au cœur de ses murs en béton. « Cela permet d’avoir des bâtiments plus compatibles avec la réglementation environnementale RE 2020 », se félicite Antoine Motte, PDG de Constructions-3D. L’ADEME a également participé au suivi de performance thermique des murs utilisant cet isolant.
Reste à convaincre les clients. « Si les Émirats Arabes Unis ont fait de l’impression 3D béton une priorité stratégique, et si de plus en plus de constructeurs s’intéressent à notre solution à l’international, la demande est plus timorée en France. En cause, l’absence de normes spécifiques à ce mode de construction. ». Antoine Motte y croit néanmoins : « Nous n’en sommes qu’au début. Comme l’informatique dans les années 80 ! »